Critique d’Assumé | Stéphane Fallu assume ses blagues usées

Critique d’Assumé | Stéphane Fallu assume ses blagues usées

Dans Assumé, son quatrième spectacle, Stéphane Fallu répète qu’il assume tout. Mais quoi, au juste ? Ce n’est jamais clair.


« On a tous un ami con ou conne », observe Stéphane Fallu vers la fin de son quatrième spectacle. Mais il se trouve qu’il y a beaucoup plus de connes que de cons dans Assumé, qu’il a présenté mardi soir à la Cinquième Salle de la Place des Arts, après être monté sur scène, verres fumés au visage, au son de My Name Is d’Eminem.

Et comme dans un vieux morceau d’Eminem, bien que sans la hargne, les femmes sont la cause de plusieurs des contrariétés de ce vétéran du rire.

Pourquoi le spectacle s’intitule-t-il Assumé ? Il règle la question rapidement en mentionnant qu’il assume son décor (quelques plantes chenues), qu’il assume son corps (beau, mais mou par endroits) et qu’il assume son côté soupe au lait. Il se peut ainsi que si sa blonde lui reproche d’avoir oublié de laver le comptoir, il lui réplique que ses jeans lui font « un gros cul ».

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PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Stéphane Fallu et ses plantes

Cette cruelle tortionnaire enjoint même au pauvre Fallu de faire des activités avec elle, une source d’agacement chez un grand nombre d’humoristes. Comment ne pas compatir avec ces misérables bougres qui se voient aussi forcés de rincer leur assiette avant de la placer dans le lave-vaisselle ? Sont-ils au courant que personne ne les oblige à rester en couple avec ces « tyrannes » qui sabotent leur bonheur ?

Toujours est-il que Fallu finit par accepter d’aller monter une montagne avec madame, qui avait au surplus pris l’initiative de préparer du thé et des barres tendres sans gluten (ouache).

De ce sujet (les activités de couple) qui aurait dû être remisé après l’indépassable numéro de Simon Gouache sur l’autocueillette de pommes, Fallu ne tirera rien de neuf.

Chanceux, notre homme trouvera enfin son plaisir au moment de voir sa conjointe faire une chute, ce qui l’amuse beaucoup.

Transgresser quoi ?

Stéphane Fallu semble donc s’essayer au jeu hasardeux de la transgression, mais n’est pas Mike Ward qui veut. Il ne s’agit pas ici de se prendre pour la police de ce qu’un humoriste a le droit de dire ou pas sur scène. Nombre de comiques énoncent en réalité des choses bien plus odieuses que Fallu (l’Américain Anthony Jeselnik vient à l’esprit).

Mais pour réellement transgresser un tabou, et exceller dans l’humour noir, il faut vouloir explorer les confins les plus sombres de l’âme humaine, pas simplement remâcher de vieux stéréotypes.

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PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Stéphane Fallu lançant ses lunettes dans le public

Quel est le principal symptôme d’une intolérance au gluten ? demande Stéphane Fallu. Ceux qui en souffrent en parlent beaucoup, se répond-il à lui-même. Si l’auteur de ces lignes avait reçu un dollar chaque fois qu’il a entendu cette blague, il pourrait déjà prendre sa retraite. Et le pire, c’est que Fallu prononce presque exactement la même au début de la soirée, au sujet des personnes véganes.

Certaines prémisses sont à ce point invraisemblables qu’il est difficile de comprendre comment elles ont pu être conservées au montage.

Au début d’un numéro qui se déroule au supermarché, Stéphane Fallu tente de nous faire croire qu’à 55 ans, il ne sait pas ce à quoi ressemble du gingembre (!) et qu’il ne sait pas comment passer une commande au comptoir des charcuteries.

Il finira par demander sept livres de jambon, ce qu’il s’imagine ne pas être une grosse quantité, parce que, explique-t-il, l’amie de sa blonde a perdu sept livres et « ça ne paraissait pas beaucoup ».

Quelle empathie ?

Stéphane Fallu répète à plusieurs reprises qu’il aime la différence (ce dont, en réalité, on ne doute pas). La preuve : il a un ami trans, un ami queer et un ami gai. Autre preuve : il fantasme sur son hygiéniste dentaire, une beauté atypique qui a trop eu recours au botox.

À l’approche de la tombée du rideau, l’humoriste précise qu’il a voulu ce spectacle « plein d’empathie » et qu’il a tenté d’opposer de la « bonne humeur » à ce monde gris, une intention tout à fait noble. Mais de quelle empathie s’agit-il ? Envers qui ? Encore une fois, difficile à dire.

Dans un trop bref passage d’Assumé, Stéphane Fallu laisse entrevoir qui il est vraiment lorsqu’il se confie au sujet de son enfance difficile, lui qui a été ballotté entre de nombreuses familles d’accueil, et qui a déjà dû s’inventer des cadeaux de Noël imaginaires à défaut d’en recevoir des vrais.

Il cède alors le plancher au Fallu touchant qu’on a appris à aimer à la suite de son éviction précoce de Big Brother Célébrités en 2022 et à travers ses nombreuses participations à des balados.

Citoyen engagé, il a aussi fondé la Maison Stéphane Fallu, qui accueille des jeunes de la DPJ afin de faciliter leur transition vers l’autonomie. Pourquoi refuse-t-il de montrer davantage cet homme et de décrire ce qui se trouve dans son cœur grand, alors qu’il se permet pourtant de décrire pendant plusieurs minutes son pénis ?

« J’aime ça, pas réfléchir », lance-t-il à un certain moment en justifiant son affection pour le service à l’auto d’une chaîne de restauration rapide. Qu’ajouter d’autre ?



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Assumé

Assumé

En tournée partout au Québec

4,5/10



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