La grande désorganisation | Alexandre Champagne voulait être riche et connu

La grande désorganisation | Alexandre Champagne voulait être riche et connu

Dans La grande désorganisation, son premier spectacle, l’entrepreneur et photographe Alexandre Champagne renoue avec son premier amour, l’humour, à l’étonnement de ceux qui ignorent tout de son passé comique. Rencontre avec un souriant revenant.


« Je t’offrirais bien un café, mais je n’ai pas encore de machine », s’excuse Alexandre Champagne en nous accueillant dans son nouveau studio de photo. « J’ai du Montellier à la clémentine par exemple, si tu veux. Je connais bien la porte-parole », ajoute-t-il, un clin d’œil à son ex Marilou, la mère de sa fille, qui apparaît dans les publicités de la marque de boisson pétillante. C’est avec elle qu’il a fondé en 2013 le petit empire de la bouffe mitonnée dans des décors immaculés, Trois fois par jour.

Mais bien avant de prendre en photo les biscuits qui allaient changer sa vie, le gars qui a aujourd’hui 39 ans aspirait à faire rire. Une ambition avec laquelle il renoue depuis 2023 et qui le mènera, la semaine prochaine, à la rentrée montréalaise de son premier vrai spectacle, La grande désorganisation.

« Ça arrive quand même assez souvent que des plus jeunes qui me suivent sur les réseaux sociaux me disent : “Heille, t’es drôle, tu devrais être humoriste” », s’amuse celui qui consacre depuis la pandémie beaucoup de temps à ses cours de photos avec cellulaire (14 000 personnes y ont participé).

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PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La vérité, c’est qu’Alexandre Champagne n’est pas juste un photographe capable de faire rire, mais un comique patenté, qui est entré à l’École nationale de l’humour (ENH) à l’âge de 18 ans et qui en a été diplômé en 2007. Parmi sa cohorte : Simon Gouache, François Bellefeuille, Louis T, Mélanie Couture et Mathieu Cyr.

« J’avais tellement de fun avec mes amis de l’école qu’après la tournée des finissants, je ne me voyais pas partir tout seul. » C’était il y a moins de 20 ans et pourtant, à l’échelle des nombreuses transformations, qui ont eu cours dans le milieu de l’humour, c’est comme si c’était il y a très, très longtemps.

« Ah, cette lointaine époque où les gars disaient que les filles ne sont pas drôles, dans les loges, devant des filles », lance-t-il en riant, mais en serrant les dents.

Je viens de l’époque toxique de Philippe Bond qui se comporte en roi et maître partout où il va. Je trouvais ça vraiment difficile, les gros ego. Et j’en avais un aussi, un ego, mais je ne voyais pas comment je pouvais faire ma place là-dedans. J’étais trop jeune.

Alexandre Champagne

Contrat d’gars, un des premiers succès viraux du web québécois, créé avec son ami Jonathan Roberge, lui aura un temps permis d’envisager une trajectoire d’humoriste ne passant pas par le stand-up. C’est après tout Saturday Night Live et Le Grand Blond avec un show sournois qui lui avaient donné envie de se construire une carrière autour du rire. La série parodiant le mâle dans son incarnation la plus primitive renaît d’ailleurs depuis quelques jours sur Patreon.

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PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre Champagne dans son costume de Contrat d’gars sur scène, en juillet 2012

« Mais à l’époque, on avait signé avec V Télé et on s’est complètement fait avoir avec la paie, ce qui m’a poussé à tirer sur la plogue. »

Vendre beaucoup de livres

Pourquoi Alexandre Champagne a-t-il un jour souhaité être humoriste ? Réponse pleine de candeur : « Je me disais “Je vais devenir riche et connu et tout va bien aller.” Ce n’est même pas une joke ! Je pense que j’avais besoin d’être aimé. »

L’héritage de son père y était aussi pour quelque chose. Dans son spectacle, le fils remercie son paternel de ne pas lui avoir légué une idée rigide de ce que peut être un homme, en le traînant dans des musées et d’autres lieux culturels peu associés à une certaine masculinité étriquée.

Le père de mon père n’a jamais voulu qu’il devienne artiste et le traitait de tapette constamment. Ça l’a beaucoup miné et je pense qu’il voyait dans son fils la chance d’avoir un artiste dans la famille, même s’il ne m’a jamais poussé.

Alexandre Champagne

Riche, Alexandre le sera devenu non pas grâce à ses blagues, mais grâce à ses photos de petits plats, sa porte d’entrée sur l’entrepreneuriat. « Il y a 15 ans, je ne t’aurais jamais, mais jamais cru, si tu m’avais dit qu’un jour, j’allais tellement vendre de livres de cuisine qu’un chèque me ferait littéralement, physiquement, tomber par terre. »

Juste pour le fun

Pourquoi donc se risquer à nouveau à cet art périlleux qu’est le stand-up alors que le soleil brille déjà fort au-dessus de lui ? Parce qu’après qu’il a présenté un numéro durant une soirée bénéfice pour sa fondation, Le CIEL (Le Centre pour l’intelligence émotionnelle en ligne), on l’a invité au ComediHa! Fest, en 2023, là où il a vécu une soirée « hallucinante », un buzz auquel il veut continuer de goûter.

« Quand j’ai commencé, je n’avais pas la discipline que ça prend pour roder des numéros dans des soirées, confie-t-il. J’étais terrorisé à l’idée d’être jugé par mes pairs. Mon perfectionnisme venait beaucoup de mes insécurités. Et à presque 40 ans, j’ai envie de faire face à mes craintes. »

Il y a quelque chose de beaucoup plus sain qu’avant dans mon approche. Il n’y a pas de désir de plaire. J’ai juste envie que les gens aient du fun.

Alexandre Champagne

En 2007, un Alexandre Champagne fraîchement diplômé de l’ENH avait offert un numéro musical dans un gala Juste pour rire de François Morency. Sa guitare l’accompagne encore aujourd’hui sur scène.

« Et quand ç’a été diffusé à la télé, ils avaient ajouté au montage, à la fin de mon numéro, le standing ovation qu’avait reçu Lise Dion. » Quoi ? « La vérité, c’est que pendant mon numéro, c’était comme dans une cafétéria de polyvalente. Je passais juste après le numéro d’ouverture et ils avaient ouvert les portes pour laisser entrer les retardataires. Le tiers de la salle m’écoutait, gros max. »

À quoi rêve-t-il pour sa première ? Il rit. « Si ça pouvait être les deux tiers de la salle qui m’écoutent, ce serait déjà pas pire. »

La grande désorganisation, le 16 avril au Gesù et en tournée partout au Québec



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